• Le monde paysan, une diversité créative

     

    J'aurai l'occasion de revenir sur l'objectif d'un changement d'agriculture, à savoir un « organisme agricole » mettant en relation l'écosystème, l'agrosystème et les humains, et forcément basé sur les cultures associées, les variétés et races adaptées au milieu et évolutives, le respect des cycles naturels et des animaux, un lien fort avec le territoire, des circuits commerciaux plus courts lorsque c'est possible, la valorisation de la main-d’œuvre, la reconnaissance des savoirs paysans, etc.

     

    Si je viens de résumer ici cette agriculture de demain, qui correspond à ce que les fondateurs de la bio avaient appelé « agriculture biologique » et à ce que Olivier De Schutter ou Pierre Rabhi appellent « agroécologie », c'est parce que ces différents traits permettent de mettre en évidence sa richesse et la diversité des portes d'entrée. Car, même s'ils sont minoritaires numériquement au sein du monde agricole, les paysans innovants qui contribuent à construire cette agriculture réconciliée avec la société et l'environnement ne manquent pas.

     

    Dans l'Ouest de la France où l'élevage laitier est aujourd'hui à moitié hors-sol (cf. l'explication de cette formule dans mes livres), des éleveurs s'efforcent de remettre leurs vaches à l'herbe, ce qui rééquilibre leur alimentation, évite d'importer du soja créateur de misère et de famine au Brésil, recrée ou maintient un système bocager riche en biodiversité, ramène la valeur ajoutée aux paysans au lieu de la concentrer chez les intermédiaires. Il leur reste certes souvent une étape à franchir (la suppression des produits chimiques de synthèse), mais ils ont déjà fait un grand pas.

     

    Dans ces mêmes régions, et ailleurs en France, des éleveurs de porcs remettent leurs animaux sur des litières paillées (au lieu de caillebotis) et diminuent leur densité dans les bâtiments. D'autres vont plus loin et les ressortent également en plein air, en diminuant encore leur densité et en respectant l'éthologie animale. Ici encore, il reste un peu de chemin à parcourir mais l'évolution est bien engagée.

     

    Dans le Sud-Ouest, des céréaliers s'efforcent de mettre fin à l'irrigation en réadaptant leurs cultures à leur environnement et en diversifiant les espèces cultivées. C'est un premier pas vertueux.

     

    Partout en France, des agriculteurs découvrent les techniques de culture sans labour et se préoccupent à nouveau de préserver la vie du sol. Même si certain d'entre eux utilisent encore massivement les pesticides (ce qui annule l'intérêt du non-labour !) et doivent remettre en question une grande partie de leurs pratiques, ils ont le mérite d'évoluer et de s'interroger.

     

    Partout en France, des paysans s'engagent dans l'agriculture biologique (au sens du règlement européen) et suppriment rapidement les produits chimiques de synthèse. Certains d'entre eux se contentent malheureusement de « supprimer la chimie » sans modifier les bases profondément conventionnelles de leur système (variétés standard, cultures pures, filières intégrées), mais ils constituent bien évidemment un point d'ancrage pour construire une agriculture biologique plus aboutie.

     

    Dans les régions d'élevage pour la viande, des éleveurs se chargent d'engraisser eux-mêmes leurs jeunes bovins, essentiellement à l'herbe, au lieu de les vendre à des fermes-usines italiennes ou espagnoles où ils sont habituellement nourris par des céréales et des protéagineux dans des conditions concentrationnaires intolérables. Ce retour de l'engraissement à l'herbe, même lorsqu'il reste « conventionnel » dans un premier temps, pose les bases d'une évolution prometteuse.

     

    Je pourrais multiplier les exemples. Quoi qu'il en soit, les réseaux de l'agriculture biologique, les CIVAM (centres d'initiatives pour l'agriculture et le milieu rural), les réseaux d'élevage herbager, les AMAP, les paysans-boulangers, les membres du Réseau Semences Paysannes, les praticiens de l'agroécologie paysanne, les expérimentateurs de l'agroforesterie, des mouvements ruraux comme CMR (chrétiens dans le monde rural) et le MRJC (mouvement rural de la jeunesse chrétienne)... ouvrent des voies qui préparent la transition. Les citoyens et les décideurs politiques doivent savoir les soutenir, les encourager – et bien sûr les aider à aller plus loin et à combiner leurs innovations.

     

     

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